Petit objet, grandes controverses
Déboutonner la mode, 10 Février – 19 Juillet 2015
Musée des Arts Décoratifs
Le terme « bouton » représente un changement d’état des choses, d’une rupture. L’expression « n’en tenir qu’à un bouton » illustre bien ce bouleversement imminent. Il se retrouve également un peu partout dans la littérature, comme synonyme de jeunesse et de renaissance. Barrès parle du « charme de l’indéterminé, de ces vies en bouton (Barrès, Mes cahiers, t. 1,1897-98, p. 183), et lie le terme au topos de la nature. Dans sa définition la plus courante, le bouton désigne un objet la plupart du temps rond et plat qui permet de fermer les vêtements. Mais il est chargé d’une symbolique et sa polysémie laisse libre cours à la création.
Georg Jensen, Edmond Lachenal, Charles Greber, Julio Gonzalès, Alberto Giacometti, Emile Decoeur… Verriers, bijoutiers, artistes décorateurs, ferronniers, orfèvres, émailleurs, céramistes, tous ont marqué, à leur manière, l’histoire cet objet trop peu mis en valeur dans les lieux d’art. L’exposition « Déboutonner la mode » se présente comme une vitrine historique retraçant l’influence de certains grands noms du monde de la création, et de ce petit objet, qui prendra de plus en plus d’importance au fil du temps. L’esthétique du bouton s’est calqué sur les mouvements marquants de l’histoire des arts.
L’exposition fait la part belle au style Art Déco en nous faisant découvrir des pièces textiles uniques. Le mouvement Art Déco (1910-1930) fait suite à l’Art Nouveau (qui privilégiait une esthétique ornementale exubérante) en réhabilitant un esprit de pureté et de légèreté dans l’architecture et les formes. Durant l’année 1950, la France verra l’éclosion de ses meilleurs créateurs. Les ateliers, les bijouteries fleurissent, les magazines commencent à parler d’eux. Roger Jean Pierre et Francis Winter ornent les robes de Christian Dior tandis que la Maison Gripoix confectionne des boutons pour Chanel.
Le musée met également à l’honneur François Hugo, orfèvre et artiste, qui a notamment confectionné des plats en argent pour Pablo Picasso ou des bijoux en or pour de nombreux artistes tels que Jean Arp, Roberto Matta ou encore Jean Cocteau. Il se consacrera à la fabrication de boutons pour la haute couture de 1939 à 1955, en privilégiant le laiton, matière composée de cuivre et de zinc. Christian Dior, Chanel et Jacques Fath s’empresse de lui demander des créations. Il utilisera également d’autres matières, dont le bois et l’émail. De sa rencontre avec Elsa Schiaparelli, créatrice de mode provocante, naitront des boutons singuliers.
En somme, l’exposition est la preuve que la mode est un domaine artistique insondable tant il est riche. « Déboutonner la mode » est intemporelle, à l’instar des pièces de haute couture qu’elle abrite. Vous serez surpris d’y voir des couturières sexagénaires, des étudiants issus de grandes écoles d’arts parisiennes, ou autres fibulanomistes … Un public varié qui témoigne bien du fait que, comme le dit, Kim Myung- Gon, Directeur Général du Théâtre National de Corée : « La raison pour laquelle les chefs-d’oeuvre du passé sont toujours aimés des gens d’aujourd’hui est qu’ils touchent à la nature humaine. »
A voir et à revoir.