La conservation-restauration des objets aériens au Musée de l’Air et de l’Espace

Nous choisissons d’axer notre réflexion sur le premier Séminaire de l’expérience des techniques organisé par Liliane Hilaire Pérez (Université Paris Diderot), consacré à la conservation-restauration des objets techniques dans deux musées : le Musée de l’Air et de l’Espace, et le Musée des Arts et Métiers (dont les réserves se trouvent à Saint Denis). Nous étudions plus particulièrement le cas des objets du Musée de l’Air et de l’Espace qui fait peut-être moins l’objet ; selon nous, d’études spécifiques et de recherches qui permettraient aux publics d’en saisir les enjeux et d’en apprécier plus profondément les objets.

En 1918, l’ingénieur en chef des Ponts et Chaussés, le Commandant Albert Caquot, lance l’idée de la fondation d’un conservatoire de l’Aéronautique. Dès le début 1919, les premières pièces sont réunies dans un hangar de Issy les Moulineaux. Cet ensemble hétérogène prendra le nom de « Collections de l’Aéronautique ». Cependant, la Seine et ses crues oblige les collections à être déplacées vers Chalais-Meudon[2], lieu de l’Aérostation et des débuts historiques de l’aviation. Le musée s’installera dans le hangar (construit par les ateliers Voisin) qui servait à la confection des nacelles d’osier des Ballons d’Observation Caquot.

Le musée de la navigation aérienne, appelé alors « Collections de l’Aéronautique », est inauguré le 23 novembre 1921 par Laurent Eynac (sous-secrétaire d’état de l’Aéronautique et des Transports Aériens), Georges Fortant (chef du génie maritime) le capitaine Hirschauer (chef du service des collections) et Charles Dolfus, son adjoint. Le musée est avant tout ouvert « aux travailleurs spécialistes ». Le 20 novembre 1936, la France Aéronautique se rassemble pour inaugurer le « Musée de l’Aéronautique » qui deviendra le « Musée de l’air ». Celui-ci investit de nouveaux locaux, boulevard Victor dans le 15ème arrondissement de Paris. L’espace, trop restreint pour accueillir les collections, oblige le musée à revenir à Chalais-Meudon. Le fameux « hangar Y » sera occupé par la partie réserve et atelier du Musée. En 1972, Pierre Lissarrague[3] prend la tête du musée. Presque au même moment, l’Aéroport de Paris, qui gère l’Aéroport de Paris-le Bourget, va mettre en service un le nouvel Aéroport international de Paris – Charles de Gaulle, en 1974. Le musée de l’Air investira donc les lieux de l’ancien aéroport du Bourget. Puis À partir de 1986, les pièces les plus anciennes et les plus prestigieuses de la collection sont déployées à l’intérieur de l’aérogare qui avait été conçue pour l’Exposition internationale des arts et des techniques appliqués à la vie moderne » (ou Exposition universelle) de 1937 par l’architecte Georges Labro. Le musée est aujourd’hui dirigé par une femme, Anne-Catherine Robert-Hauglustaine.  Ainsi, cette réflexion aura pour but de revenir sur des aspects concrets en terme de conservation-restauration des objets aéronautiques, qui furent abordés lors de la présentation de Laurent Rabier.  A quel moment un objet a-t-il cessé d’être authentique ? Quelles décisions prendre lorsqu’il s’agit de faire face à la dégradation des objets par le temps ? Comment rendre compte de l’utilisation de ces objets, tout en en préservant l’épaisseur historique ? Nous traiterons d’aspects techniques en terme de conservation-restauration dans une première partie, pour tenter de donner quelques éléments au sujet du champ patrimonial de l’aéronautique aujourd’hui.

1.Restaurer et conserver des avions : des questions techniques complexes

 

  1. Contraintes générales en matière déontologique

 

La Charte d’Athènes pour la restauration des monuments historiques (1931), et la Charte de Venise de 1964 (Charte internationale sur la conservation et la restauration des monuments et des sites) sont les deux textes fondamentaux permettant de mettre en application une stricte de la déontologie en matière de conservation restauration. En effet, et Laurent Rabier a appuyé sur ce point, « La restauration est une opération qui doit garder un caractère exceptionnel ». La mission du MAE est de « conserver, et non de restaurer », et « la restauration s’arrête là où commence l’hypothèse ». Chaque intervention est particulière du fait de l’institution qui l’envisage, et tout réside dans la question de choix. Les matériaux de construction ont également évolué au fil du temps.

Les premières matières utilisées pour construire des avions fut le bois et la toile. C’était le matériel le plus abondant, avant la révolution du métal qui commença vers le début du XXème siècle. Les avions anciens étaient construits en bois et toile, et certains constructeurs continuent à fabriquer des avions sur ce principe avec des matériaux améliorés (colles plus performantes, toile en polyester thermo-rétractable plutôt que le coton ou le lin). On trouve par ailleurs des avions construits en matériaux composites constitués de fibres de verre ou de carbone et de résines. Les assemblages des différentes parties constituantes se font par l’intermédiaire de de boulons pour les attaches d’ailes, et selon le cas par rivetage pour les avions métalliques, et collage pour les avions en bois ou composite. Après le bois et l’acier, l’aluminium fait son apparition. Matériau léger, résistant, et bon marché, il permet d’économiser le carburant, de réduire les émissions et d’augmenter la charge que peut porter un avion. Le Junker F13 est le premier avion tout aluminium construit au début des années 1920. La relation à la matière était différente. Laurent Rabier, en charge des collections au MAE, précise que les matériaux vivants, le lin, le coton, marque ce rapport de l’homme au vivant. Il n’y avait également pas de phase de test, les hommes se lançaient à la conquête des airs en ayant confiance en la machine construite.

Léon LEVAVASSEUR (1863-1922), Avion, 1909

Toute intervention sur un objet de musée doit être stable dans la limite de nos connaissances. Le cas de l’avion de Léon Levavasseur pose plus plusieurs questions. Le fuselage original est réduit à sa partie avant, complété de tout le reste. Quand a-t-il été complété ? Comment ? à l’aide d’éléments originaux ? De substituts ? Cette intervention est basée sur une documentation que le MAE ne connaît pas. D’où l’importance du fait que toute intervention sur un objet de musée doit être documentée. Cette documentation est fondée sur le dossier d’œuvre, d’études, de rapports de restauration, d’actions, d’intentions, de changements d’options, et leurs raisons. Et ce entre les parties prenantes : le conservateur, le service de la restauration, les techniciens, qui ont une grande importance dans les musées techniques. Autre contrainte, au-delà d’une documentation parfois parcellaire, est celle de la conservation des objets techniques, rendue difficile par leur taille. C’est le cas d’un Breguet 941S, qui fut laissé à l’extérieur et qui de fait subit des dégradations importantes. En effet, Laurent Rabier – conservateur au MAE – affirme qu’il est illusoire de prétendre conserver des collections stockées dans des conditions inadaptées. Mieux vaut ne pas acquérir d’objet plutôt que de prendre le risque de ne pas pouvoir le conserver de manière correcte.

 

  1. Des choix stratégiques en matière de conservation-restauration : éviter d’atteindre l’intégrité physique des avions

Un autre principe mis en exergue par le conservateur : la réversibilité des actions effectuées. Le Yak-3 fut la version la plus performante de la série des chasseurs Yakovlev dont plus de 34 000 exemplaires sortirent d’usine durant la Grande Guerre Patriotique. Ultime développement de la famille, le premier exemplaire de série vola le 8 mars 1944 ; il entre en service l’été suivant. C’était à l’époque le modèle le plus léger et le plus manoeuvrable de tous les chasseurs sur tous les fronts. L’avion actuellement présenté avec le n° 4 du Lt Roger Marchi (4 victoires et 2 partagées sur Yak-3) est en fait un appareil prélevé dans un autre régiment Soviétique pour compléter les effectifs. Numéro de constructeur 2530, il était alors codé 25. Il arriva au Bourget le 20 juin 1945 avec le n° 18. Remis au Musée en 1947, il fut repeint avec le n°4 en 1976. Puis, le Yakovlev Yak 3 du MAE, a fait l’objet d’un dégagement partiel de couche picturale. Cette intervention a permis de retrouver les marquages, couleurs, et traces d’usage liées à son utilisation entre 1945 et 1946. C’est une opération irréversible, qui de ce fait, a dû être sérieusement justifiée.

De même, toute intervention doit respecter l’histoire et l’intégrité physique d’un objet. Laurent Rabier a évoqué le cas de l’Amiot AAC.1 Toucan, n°216.  Modifier l’identité des avions a été une pratique courante dans les musées. L’Amiot Toucan n°216, cédé par la Marine nationale au musée de l’Air en 1965, a ainsi été repeint aux couleurs de l’appareil n°334 du 1/64 Béarn, unité de l’Armée de l’Air à laquelle il n’a jamais été appartenu.

Ainsi, le cas suivant nous montre la complexité Du mode d’existence des objets techniques[4] pour reprendre le titre de l’ouvrage célèbre de Gilbert Simondon.  En effet, il faut comprendre « que l’individuation et la multiplicité sont deux expressions du même phénomène : les objets techniques sont individués de diverses façons, et il faudra en décrire de près les modes propres et non seulement multiples, mais divers et variés (ce ne sont pas tous les mêmes, en revanche ils se montrent partout, prêts à rendre service en des circonstances variées, pour des usages divers, correspondant à toutes les fonctions possibles). »[5] L’existence de l’objet technique se manifeste comme réalité ontologique étroitement associé à l’existence de l’Homme. La relation entre celui-ci et l’objet technique constituerait une relation directe avec sa manifestation ontologique et, par extension, avec sa propre nature.

Une application de la déontologie peut aussi provoquer des actions diamétralement opposées en matière de restauration.   L’exemple du Dewoitine D.530 n°6, contrairement au Morane-Saulnier AI n°2283 d’Alfred Fronval, fut l’objet d’une approche curative. La restauration intervient en priorité lorsque la préservation matérielle est menacée. Par exemple, faut-il conserver une couche de peinture des années 70, au risque que celle-ci ne menace la préservation de la toile ? Le choix fut fait de l’enlever. En ce qui concerne la déchirure de la toile, faut-il réutiliser une technique de réparation documentée pour la stabiliser ? Le MAE a alors cherché une méthode de restauration. De même, le Cockpit, recouvert d’une couche brune d’époque qui permettait de conserver de l’humidité, fut conservé en l’état, évitant ainsi le démontage des pièces.  Les marques d’usages au niveau du cockpit – traces témoignant du fait que les pilotes rejetaient les ceintures sur les bords de l’appareil, et venaient taper le fuselage – furent conservées.

  1. La France : un rapport aux objets techniques particulier ?

 

L’hélice[6] AIR 303 dont le MAE possédait une partie ne pouvait être exposé de manière incomplète. Le MAE a donc fait appel à l’Imperial War Museum, dans sa recherche d’un objet identique, afin de ne pas faire supporter aux collections une restauration. L’hélice, en prenant appui sur le modèle existant du musée londonien, fut exposé en 3D au musée, assurant une cohérence technique, et sans conséquence technique et pour l’objet et pour la collection. Ainsi, se pose toujours trois options en terme d’interprétation du patrimoine. Tout d’abord, fabriquer un facsimilé fonctionnel (en effet, pourquoi conserver la matérialité ?). Secondement, l’objet reste témoin de son histoire, avec ses méthodes, ses techniques de fabrication et ses matériaux spécifiques. Enfin, l’objet est témoin de sa fragilité et de sa matérialité. On garde une trace de l’objet, avec ses matériaux parfois voué à la destruction.  Nous avons noté, durant la présentation de Laurent Rabier, que la France semble peiner à préserver son patrimoine industriel, contrairement à l’Angleterre. En effet, il semblerait que  « L’image de l’industrie dépend aussi de la place que le travail a tenu et tient dans la société. Il semble que, dans les pays catholiques, le plus souvent latins, la valeur travail soit moins valorisée qu’en pays protestants où la réussite professionnelle est signe de la bienveillance divine (Leboutte, 1997). Ceci peut expliquer en partie la valorisation de l’histoire industrielle dans les pays de la Réforme, avec par exemple la protection précoce observée au Royaume-Uni, dans certaines parties de l’Allemagne, ou en Suède. »[7]

2. La question de la vitalité du patrimoine aéronautique

 

  1. L’évolution du regard sur les collections du Musée de l’Air et de l’Espace : une histoire de culture matérielle

 

Le Musée de l’Air et de l’Espace a connu une nette évolution dans son approche de restauration des objets. En effet, l’intervention de Laurent Rabier n’a pas fait état de l’histoire des restaurations propres au Musée de l’Air et qui pourtant relève davantage d’une logique historique. Les actes validées dans le passé sont invalidés aujourd’hui à cause d’un regard sur les collections qui a évolué. Nous prenons appui, pour rappel, sur l’article éclairant de Christian Tati[8] . En effet, en 1919, les Collections de l’Aéronautique sont créées afin de préserver les matériels et d’initier le public aux techniques de la navigation aérienne.  Jusqu’en 1994, date de l’adoption du statut d’établissement public à caractère administratif (EPA) qui lui donne son autonomie, le musée est rattaché à différents services étatiques : Service technique de l’aéronautique à sa création puis École nationale supérieure de l’aéronautique, direction du Matériel aéronautique militaire, service du Matériel de l’armée de l’Air en 1949, direction technique et industrielle en 1958.

Ainsi, dès sa création, le musée bénéficie des compétences des ouvriers professionnels issus de ces établissements dans les différentes spécialités (mécanique, menuiserie, entoilage, peinture, chaudronnerie, usinage). La culture professionnelle des personnels affectés au musée privilégie une démarche visant à redonner à un objet endommagé ou incomplet son aspect originel ou un aspect correspondant à un état antérieur connu et, idéalement, à le remettre partiellement ou totalement en fonctionnement. Un atelier « moteurs tournants », dont l’objectif est de maintenir en état de fonctionnement quelques moteurs de démonstration, est actif au musée jusqu’en 1998. Cette pratique n’est pas isolée et se retrouve dans la plupart des musées aéronautiques et plus largement, dans les musées de transport. L’approche technologique des collections, le regard de l’ingénieur et du technicien priment, et les interventions sur les objets doivent permettre une meilleure compréhension de leur usage et de leur fonctionnement. Cet objectif est cohérent avec le projet culturel du musée tel qu’il est défini par Charles Dollfus en 1928 comme « n’étant aucunement un musée reliquaire mais un musée technologique ». Le musée transmet un objet pour son intérêt en tant qu’exemplaire d’une série industrielle mais également pour son histoire propre, son ancienneté, sa valeur symbolique. La conséquence de ce nouveau regard sur les collections est la prise en compte de la pluralité des partis pris possibles dans la restauration d’un objet technique en fonction de sa place dans l’histoire des techniques, de son usage spécifique, de son histoire matérielle et du contexte de son exposition : galerie technologique, exposition historique, monographique. La restauration idéale, selon l’auteur de l’article, serait « celle qui maintient l’objet technique en état de fonctionnement puisque c’est cet état qui lui donne sa raison d’être et sa meilleure lisibilité : un moulin devrait pouvoir moudre, une voiture rouler, un avion voler. » Cependant, ce dernier énonce le fait que la remise en état de vol d’un avion du musée de l’Air et de l’Espace est donc idéalement possible même si de nombreux obstacles réglementaires et méthodologiques rendent cette perspective improbable. Il semblerait que « les avis divergent en fonction des approches. En effet, si l’on considère les objets d’un point de vue ethnologique, « la technique apparaît à l’ethnologue comme une voie privilégiée et particulièrement sûre méthodologiquement, d’accès à la totalité sociale. »[9] 

  1. Le « matériel des techniques » : une complexité certaine derrière l’exposition des objets techniques et militaires au musée 

« Parmi tous les domaines du patrimoine technique, le patrimoine aéronautique est celui auquel on s’est intéressé le plus difficilement et de la façon la plus chaotique. Le manque de familiarité du ministère de la Culture, joint à la méfiance des amateurs propriétaires d’aéronefs anciens à l’égard de la protection au titre des monuments historiques, a conduit pendant longtemps à une situation de carence. »[10] écrit Jean Luc Fournier dans un article. Ainsi, Marcel Mauss énonce le fait qu’il existe une technologie descriptive concernant les techniques. Tout d’abord, ce sont des documents historiquement et géographiquement classés : outils, instruments, machines, dans le cas de ces deux derniers, analysés et montés. Puis, des documents physiologiquement et psychologiquement étudiés : manières de s’en servir, photographies, analyses, etc.  C’est ainsi que, la Mission des archives de la Direction générale de l’Aviation civile (DGAC), créée en 1964, collecte, classe et communique les archives de l’administration centrale et des services à compétence nationale. Les archives sont conservées pour la justification des droits et pour la documentation historique de la recherche. Elle travaille en étroite collaboration avec la Mission des Archives publiques du ministère. Par ailleurs, la Mission poursuit l’objectif de préserver le patrimoine aéronautique en réseau avec le monde associatif, muséal, industriel et avec les particuliers. Enfin, écrit Marcel Mauss, des documents classés par systèmes d’industries dans chaque société. Par exemple, l’alimentation, chasse, pêche, cuisson, conservation, vêtements, transports, étude des utilités générales et particulières, etc. Ce « matériel des techniques » doit se superposer à l’étude de la fonction de ces techniques, de leurs rapports, de leurs proportions, de leur place dans la vie sociale. Ainsi, « ces dernières études mènent à d’autres. On arrive à déterminer alors la nature, les proportions, les variations, l’usage et l’effet de chaque industrie, ses valeurs dans le système social. Et toutes ces analyses précises permettent alors vraiment des considérations plus générales. Elles permettent d’abord diverses formes de classement des industries, mais, surtout, elles permettent de classer les sociétés par rapport à leurs industries. »[11] Peut-on rendre compte de cette complexité dans un musée technique ? Le Musée de l’Air et de l’Espace est-il en mesure de répondre à de telles exigences en matière d’information ? Comment ne pas verser dans une présentation trop « simpliste » du fait aérien ? Peut-être est-ce le rôle des journées d’études, de conférer toute l’épaisseur sociale et ethnologique au patrimoine industriel et plus particulièrement au patrimoine de l’aéronautique. A ce titre, la Direction générale de l’Aviation civile, organise, en octobre 2019, des journées d’études sur le thème « 1919-2019 : cent ans d’aviation civile et commerciale en France ». Ces journées d’étude ont pour but de faire le point sur la recherche historique aéronautique (histoire urbaine, histoire économique et sociale, histoire des technologies …), de présenter un état de sources disponibles et de favoriser l’essor d’une recherche de niveau universitaire.

  1. Etat des lieux de la vitalité associative en France 

Des passionnés d’aviation se retrouvent dans de nombreuses régions., et la vitalité des associations est particulièrement notable dans le domaine aérospatial. Nous citerons les plus importantes. Créée en 1972, 3AF est la Société Savante Française de l’Aéronautique et de l’Espace. Elle a pour objet la progression et la promotion des sciences et techniques aérospatiales. Son activité est en grande partie liée à celle de l’industrie et de la recherche, c’est-à-dire en France à celle des industries aéronautiques, spatiales et des hautes technologies associées. 3AF est aussi en relation étroite avec les services et organismes d’Etat. Cependant, elle offre pour la genèse et la diffusion des idées une voie distincte de l’industrie et des instances gouvernementales, celle d’une société savante.  La Fédération des collectionneurs du patrimoine militaire regroupe des musées, clubs, associations, professionnels, collectionneurs, reconstitueurs, qui « contribuent, par la réalisation de collections, à la conservation, à la connaissance ou l’étude des matériels de guerre ». A ce titre, elle défend leurs intérêts et assure une veille législative et réglementaire en faveur des matériels de collection d’origine militaire (véhicules, navires, aéronefs, armes, matériels de transmission, masque à gaz, uniformes, ouvrages de fortification et autres) pour préserver ce patrimoine historique, technique, industriel et culturel de notre pays.  Plus spécifiquement, le Musée Historique de l’Hydravion à Biscarosse fédère par exemple l’Association des Amis du Musée de l’Hydravion. L’Association des Amis du Musée de l’Hydravion voit le jour en 1980 grâce à la volonté et au travail de Marie-Paule Vié-Klaze qui réussit à réunir des documents, des pièces de collection et surtout des bénévoles pour conserver ce patrimoine. Elle est en permanence présente aux cotés de la direction du Musée afin de l’aider dans la recherche de pièces de collection, leur entretien, la participation aux diverses animations initiées lors des expositions et manifestations. 

Conclusion

En premier lieu, nous nous sommes attardé sur quelques points pratiques concernant la conservation restauration des objets aéronautiques au musée de l’Air et de l’Espace. L’évolution du regard posé sur les collections a nettement évolué depuis le début de la constitution de la collection. D’abord, un regard pratique et technique, qui visait l’utilité et la mise en fonctionnement de l’objet pour en comprendre les mécanismes internes, dans un but pédagogique et didactique. Puis, une vision « patrimoniale » s’est peu à peu imposé, visant à conserver l’objet ainsi que son histoire propre, dans sa matérialité, en s’éloignant quasiment d’une vision utilitaire. La déontologie muséale est complexe à appliquer dans ce cadre, et ne correspond pas toujours à la vision que les hommes avaient des machines à une époque donnée. La vitalité des associations aéronautiques et spatiales marque le paysage français. Cependant, on note un détachement tardif par rapport à ces objets par rapport à l’Angleterre. Les états Unis sont encore un cas à part, l’objet industriel étant considéré dans une vision de la « grandeur de la nation »[12]. Aussi Jean Michel Tobelem écrit le fait que « la préservation du patrimoine ne se porte pas tant sur la préservation de monuments prestigieux d’un point de vue historique ou artistique que sur des lieux se rapportant à des moments symbolisant la formation de la Nation (Américaine), qui peuvent prendre la forme d’édifices plus ou moins « ordinaires ». Le regard posé sur le patrimoine industriel est propre à chaque pays et dépend d’une suite d’événements politiques et sociaux complexes qu’il est complexe d’appréhender. En effet, difficile, dans ce cadre, d’appliquer une déontologie commune à tous les musées du monde, bien que celle-ci donne de grandes orientations et permet de cadrer un tant soit peu les pratiques. Nous avons cependant remarqué que ces règles en matière de bonnes pratiques ne produisent pas les mêmes résultats en termes d’actions de préservation, conservation ou restauration du patrimoine technique et industriel.


Notes bibliographiques

[1] Musée de l’Air et de l’Espace.

[2] Aujourd’hui, la soufflerie aérodynamique de Chalais-Meudon (Hauts-de-Seine) est ouverte au public.

[3] Lissarague, Pierre « Le musée de l’Air et de l’Espace au Bourget depuis 10 ans », Pégase, janvier 1985, n°36, p4-12.

[4] Gilbert Simondon, Du mode d’existence des objets techniques, 1958

[5] Jean-Yves Château, « La technique : Genèse et concrétisation des objets techniques dans « Du mode d’existence des objets techniques » de Gilbert Simondon, in Philopsis, Revue numérique.

[6] Voir les publications de Dominique Ottello à ce sujet.

[7] Simon Edelblutte, « Paysages et territoires du patrimoine industriel au Royaume-Uni », Revue Géographique de l’Est [En ligne], vol. 48 / 1-2 | 2008, mis en ligne le 08 octobre 2011, consulté le 04 décembre 2018. URL : http://journals.openedition.org/rge/1165

[8] Christian Tilatti, « L’évolution des pratiques de restauration au musée de l’Air et de l’Espace », In Situ [En ligne], 35 | 2018, mis en ligne le 29 août 2018, consulté le 07 février 2019. URL : http://journals.openedition.org/insitu/16640 ; DOI : 10.4000/insitu.16640

[9] Philippe Mairot, « Musée et technique », Terrain [En ligne], 16 | mars 1991, mis en ligne le 06 juillet 2007, consulté le 08 février 2019. URL : http://journals.openedition.org/terrain/3004 ; DOI : 10.4000/terrain.3004

[10] Luc Fournier, « La protection des aéronefs au titre des monuments historiques », In Situ [En ligne], 35 | 2018, mis en ligne le 14 septembre 2018, consulté le 07 février 2019. URL : http://journals.openedition.org/insitu/17047 ; DOI : 10.4000/insitu.17047

[11] Mauss, Marcel. « Les techniques et la technologie », Revue du MAUSS, vol. no 23, no. 1, 2004, pp. 434-450.

[12] Tobelem Jean-Michel. L’introuvable politique patrimoniale des États-Unis d’Amérique. In: Culture & Musées, n°9, 2007. pp. 99-119.

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